Lundi 5 février 2024, l’Unaf a été auditionnée par les sénatrices Colombe Brossel (Sénatrice de Paris, SER), et Béatrice Gosselin (Sénatrice de la Manche, LR) rapporteures au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur la mission flash Familles monoparentales. En ligne, les principales préconisations et positions de l’Unaf.
Lundi 5 février 2024, Mylène Armando, Administratrice de l’Unaf, et Pierre Flamand, Chargé de mission au Pôle « Droit de la famille – Parentalité – Protection de l’enfance » ont été auditionnés par les sénatrices Colombe Brossel (Sénatrice de Paris, SER) et Béatrice Gosselin (Sénatrice de la Manche, LR) rapporteures au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur la mission flash Familles monoparentales. La sénatrice Laure Darcos (Essonne, LI) était également présente ainsi que Claire Ménard, Chargée des relations parlementaires, à l’Unaf.
Avant d’entrer dans le détail des questions préparées pour l’audition, l’Unaf a précisé deux points en propos introductifs :
- La politique familiale et notre système de prestations familiales doivent toujours rechercher un équilibre entre solidarité horizontale des familles sans enfant vers les familles avec enfants et solidarité verticale des familles riches vers les familles pauvres. Si une dimension l’emporte sur l’autre, c’est le danger d’une politique familiale devenant une politique sociale où certains ont le sentiment de contribuer sans jamais recevoir.
- La monoparentalité recouvre une pluralité de situations, des phases de vie transitoires. Il existe ainsi une pluralité de foyers monoparentaux, et une multitude de façons de vivre cette situation. L’origine de la monoparentalité se retrouve dans le décès d’un des membres du couple parental ou dans la séparation. Plutôt que de classer les familles en plusieurs catégories comme des données fixes (« traditionnelles », monoparentales, recomposées), il serait préférable de penser désormais en termes de « trajectoires familiales ». L’Unaf constate que le phénomène est fréquemment surestimé tant dans son ampleur que dans sa dynamique. Il s’agit d’une configuration qui plafonne depuis plusieurs années sur le plan de la démographie. Elle est souvent présentée comme un phénomène qui « explose » ce qui n’est pas exactement le cas même si en nombre, le phénomène est réel.
Concernant les questions touchant aux prestations familiales, l’Unaf a rappelé les principes guidant la réflexion et ses positions
- La politique familiale poursuit notamment deux objectifs : la compensation de charge liée à l’enfant et la lutte contre la pauvreté. En introduisant un nouveau critère, celui de la monoparentalité, on confierait un nouvel objectif à la politique familiale, compenser la situation aggravée du fait de la monoparentalité distinct de la question des ressources de la famille. Ce nouvel objectif est-il recevable à l’heure où la complexité de la politique familiale est souvent dénoncée ?
- L’Unaf a ensuite détaillé les réformes récentes ayant poursuivi cet objectif au détriment des autres familles. Elle a ainsi rappelé les mesures introduites par la LFSS pour 2018 avec la hausse du complément mode de garde (CMG) pour les familles monoparentales à hauteur de 40 millions d’euros et, dans le même temps, de la réduction du montant et du plafond de l’allocation de base (AB) de la PAJE pour une économie au détriment des familles à hauteur de 500 millions d’euros. L’Unaf a également rappelé la revalorisation progressive de l’allocation de soutien familial (ASF) de 25 %, avec un coût annuel de 330 millions d’euros. Seule la prestation familiale à destination expresse des familles monoparentales est une mesure qui a été saluée par l’Unaf. Elle a certainement permis d’éviter à certaines familles de basculer dans la pauvreté mais son montant de 187,25 € par mois et par enfant ne peut suffire.
- Sur la déconjugalisation de l’ASF, l’Unaf a souligné que le frein que l’on essaie de desserrer sur l’ASF pour favoriser la remise en couple des parents seuls avec enfants risque toutefois de se retrouver sur d’autres prestations familiales toutes sous conditions de ressources. La déstabilisation des revenus du ménage pourra conduire de la même façon à ne pas se remettre en couple.
La proposition de l’Unaf serait, dès lors, de faire une expérimentation laissant davantage de temps aux personnes de choisir leur statut matrimonial, d’attendre que le couple soit stable et lui permettre d’apprécier les conséquences financières de façon plus globale qu’à la seule « jauge » de l’ASF. Il serait important de figer une période pendant un délai de 6 mois ou 1 an, éventuellement avec un montant dégressif, jusqu’à ce que l’allocataire soit sûr de sa situation matrimoniale – de sorte qu’entre temps, il n’ait pas de réticence à déclarer sa nouvelle situation encore incertaine et permettre ainsi un temps d’adaptation des revenus du couple avec ses conséquences sur les autres prestations familiales.
Concernant les questionnements sur la contribution à l’entretien et à l’éducation, l’Unaf a souligné l’apport important de la médiation familiale en la matière
En matière de fixation du montant de la pension alimentaire, deux barèmes distincts sont actuellement en vigueur : l’un appliqué par les Juges aux Affaires Familiales (JAF) et l’autre par la Caisse Nationale des Allocations Familiales (Cnaf).
Le premier est destiné à orienter les JAF dans la détermination des pensions alimentaires post-divorce, tandis que le second sert de référence pour les couples séparés non mariés. Généralement, les montants définis par le barème des JAF sont supérieurs à ceux du barème de la Cnaf, cette dernière disposant d’une marge de manœuvre plus restreinte dans l’établissement des pensions alimentaires.
Les Pouvoirs publics ont entrepris la création d’un barème unique pour harmoniser ces montants sans que ce travail ne soit encore abouti.
La fixation du montant de la pension alimentaire soulève fréquemment l’incompréhension et la frustration du parent débiteur, particulièrement en l’absence d’explications claires sur les critères retenus. Cette situation peut exacerber les conflits latents entre les parents, menant parfois à des défauts de paiement.
Pour prévenir ces désaccords, il serait judicieux de proposer aux parents, en amont de la procédure judiciaire, la possibilité de consulter un médiateur familial. Celui-ci a pour mission de les guider à travers leur séparation dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Au cours de cette médiation, une convention parentale est élaborée, définissant de manière objective le montant de la pension alimentaire, répartissant les charges et précisant les responsabilités de chacun. Cette démarche permet de clarifier les attentes, de résoudre les conflits préexistants et de prévenir les malentendus susceptibles de survenir à la suite de la décision judiciaire.
La convention parentale, une fois établie, peut être validée par un juge, ce qui réduit la durée des procédures judiciaires. Les enquêtes menées par l’Unaf auprès des services de médiation des Unions Départementales des Associations Familiales (Udaf) révèlent que les pensions alimentaires définies par ces conventions sont généralement plus élevées et mieux acceptées par les parents débiteurs, diminuant ainsi le risque d’impayés.
S’agissant des préconisations pour mieux accompagner les familles monoparentales, l’Unaf a tout d’abord précisé ses positions :
Sur la création d’un statut : l’Unaf n’y est pas favorable. La monoparentalité ne recouvre pas des situations homogènes et elle n’est pas figée dans le temps.
En revanche, elle est favorable à l’accompagnement des familles monoparentales sous l’angle de la parentalité autour de la séparation. L’Unaf a ainsi formulé plusieurs propositions pour un accompagnement renforcé et coordonné permettant une coparentalité effective.
Elle a ainsi insisté sur la nécessité de réfléchir à l’organisation d’un service public de la médiation familiale et des espaces de rencontre afin d’assurer leur pérennité, a fortiori lorsque les recours à ces dispositifs sont ordonnés par un juge.
Pour prévenir le risque d’appauvrissement lié à la séparation, un accompagnement budgétaire aux couples qui se séparent et aux parents veufs doit leur être proposé afin de prévenir les situations de surendettement et les risques d’expulsion locative.
Au-delà du seul angle de la parentalité, l’Unaf suggère de mobiliser d’autres politiques publiques au bénéfice des familles monoparentales :
- viser le maintien ou l’accès à l’emploi qui constituent les meilleurs remparts contre la dégradation du niveau de vie des familles ;
L’insertion professionnelle d’un parent isolé réduit de trois à quatre fois le risque de précarité économique au sein de leur foyer. Toutefois, cette amélioration est conditionnée par la compatibilité de l’emploi, notamment ceux accessibles aux parents peu qualifiés, avec les contraintes spécifiques à la gestion d’une famille monoparentale. Actuellement, l’équilibre entre les responsabilités familiales et les engagements professionnels n’est pas une thématique abordée de manière systématique dans le cadre du dialogue social. Il faut que la négociation sociale au sein des entreprises incorpore obligatoirement et de manière explicite la question de l’harmonisation entre les responsabilités familiales et la vie professionnelle des salariés parents.
- La monoparentalité, lorsqu’elle se conjugue à l’arrêt de l’activité professionnelle pendant plusieurs années, peut constituer pour certaines familles et en particulier des mères, un frein au retour à l’emploi. Un accompagnement dédié à la levée des obstacles périphériques à l’emploi pour les parents isolés est proposé par certaines Udaf.
L’objectif principal de cet accompagnement est d’instaurer une dynamique positive, visant à revaloriser l’image que ces parents ont d’eux-mêmes en tant qu’acteurs économiquement actifs et utiles à la société. Les professionnels accompagnants orientent les parents isolés vers une réévaluation de leur parcours de vie, mettant en lumière les aspects positifs qui peuvent être valorisés dans le contexte de leur retour vers l’emploi. En collaboration avec le conseil départemental, un pré-diagnostic est réalisé pour identifier les obstacles à l’emploi, qu’ils soient d’ordre médical ou psychologique.
- Par ailleurs, plus de deux parents sur cinq jugent aujourd’hui difficile l’exercice de leur rôle de parent. Ce sentiment tend à s’accroître pour les familles monoparentales, notamment en raison de la solitude ressentie dans l’exercice de ce rôle.
Dès lors, la mise en place de solutions proposant un temps de répit parental apparaît comme l’une des priorités au regard des éléments évoqués par ces parents.
(Sources : Unaf – Février 2024)